Article paru dans Le concourspluripro - auteur Karen Ramsay – paru le 27 mai 2025
Quelle est la place des centres de santé dans l'accès aux soins en Ile-de-France ? Ce mardi, lors de la première journée des centres de santé franciliens, les tutelles ont brossé un panorama de ces structures salariées. Démographie, file active, professionnels en exercice, patientèle… Les centres de santé "ont le vent en poupe, assure l'ARS, mais ils souffrent d'une certaine fragilité."
En Ile-de-France, 1.013 centres de santé ont réalisé au moins un acte en 2024, dont 939 adhérents à l'accord national. Ce mardi matin, Nicolas Ingrain, sous-directeur à la Direction de coordination de la gestion du risque à la CPAM de Paris, a dessiné les contours de l'offre de soins proposée par les centres de santé franciliens en insistant notamment sur la démographie, le nombre de professionnels, ou encore la patientèle accueillie par ces structures salariées. Ainsi, les statistiques issues des bases de la Cnam sur l'année 2024 révèlent que 52% des centres de santé franciliens sont dentaires et que 33% sont polyvalents.
Les activités des centres de santé diffèrent en fonction de leur emplacement. Ainsi, à Paris, "la moitié des centres de santé sont dentaires" (contre 47,6% en petite couronne et 61,9% en grande couronne), et "un tiers sont polyvalents" (contre 38,7% en petite couronne). En grande couronne, note la CPAM, "on trouve moins de centres polyvalents mais une présence significative de centres ophtalmologiques".
En Ile-de-France, sur les quelque 17.670 professionnels salariés évoluant au sein d'un CDS adhérent à l'accord national, 9.679 exercent au sein d'un CDS médical ou polyvalent : 3.173 médecins généralistes, 2.461 médecins d'autres spécialités, 1.072 chirurgiens-dentistes, 485 infirmières, 21 IPA et 1.486 autres professions (hors médical et paramédical). Sur les 1.279 assistants médicaux exerçant en région francilienne, 117 sont en centres de santé.
À fin 2024, 642.032 patients étaient suivis par un médecin traitant en CDS dont 541.710 patients de plus de 17 ans, précise Nicolas Ingrain. De plus, au sein des 939 CDS adhérents à l'accord national, la file active médecin généraliste est de 3.232.037 patients, loin devant la file active dentaire (1.841.310 patients) et infirmière (24.596 patients).
Toujours en comparant les 3 zones que sont Paris (75), la petite couronne (92, 93, 94) et la grande couronne (77, 78, 91 et 95), la CPAM a détaillé la patientèle francilienne en centre de santé en 2024. Ainsi, les centres comptent entre 16 et 21% de patients ayant la Complémentaire santé solidaire (CSS), soit 16,5% à Paris, 21% en petite couronne et 18,4% en grande… contre 9,4% de population nationale. Ils accueillent également entre 17 et 18% de patients en ALD, et entre 20 et 22% de patients sans médecin traitant : 20% à Paris, 22,6% en petite couronne et 22,8 % en grande couronne, contre 11,3% de population générale. "On observe donc que les centres de santé accueillent une patientèle un peu plus fragile que la moyenne", note Nicolas Ingrain.
De plus, les CDS parisiens comptent, en moyenne par centre, 10.522 patients (contre 6.243 et 5.016 pour la petite et grande couronne). Et plus d'un patient sur deux est une femme (58,9%).
4% des dépenses de ville
En 2024, les 330 CDS médicaux ou polyvalents ont perçu une rémunération globale de plus de 26 millions d'euros (26.466.267 euros), soit une rémunération moyenne de 80.200 euros. Les 435 centres dentaires ont, eux, perçu plus de 15 millions en rémunération totale (moyenne de 36.000 euros) et les 5 centres infirmiers ont reçu plus de 86,000 euros, dont une rémunération moyenne de 17.000 euros.
Le poids des dépenses des centres de santé est en progression depuis 2022 : de 644 millions à 700 millions en 2024. Ce qui représente une part de 3,7% du total des dépenses des soins de ville en 2022 contre 4,1% en 2023 et 4% l'année suivante. "4% des dépenses de soins de ville rapportés aux CDS franciliens l'année dernière, c'est peu. En revanche, c'est beaucoup parce qu'à titre de comparaison, note Nicolas Ingrain. Au niveau national, le poids des dépenses CDS atteignait 1,4% en 2022 puis 1,6% en 2023 et 2024." Des chiffres qu'il attribue à deux facteurs : le côté historique en Ile-de-France et l'évolution à la hausse entre 2022 et 2023, avec notamment une augmentation du nombre de centres à but lucratif.
Enfin, sur le dispositif "Mission : Retrouve ton cap", outil de prévention du surpoids et de l'obésité chez les enfants de 3 à 13 ans, l'Ile-de-France semble être "en retrait par rapport aux autres grandes régions… mais en évolution constante", note la CPAM. Ainsi, en février 2025, sur les 45 structures référencées, la moitié (23) sont des centres de santé.
"La force du collectif"
"Nous partageons la conviction forte que les centres de santé sont un maillon essentiel de l'accès aux soins, avec une implantation historique : 34% des CDS pluriprofessionnels franciliens ont été créés avant 1980", a précisé Jeanne Villeneuve, secrétaire générale de la Fédération nationale des centres de santé, en ouverture de la journée ce matin. "Notre modèle, c'est la force du collectif et du travail en équipe au service de la population d'un territoire. Ce collectif permet de concilier continuité de soins et équilibre entre vie professionnelle et personnelle" et est aussi "une réponse à la perte de sens exprimée par les jeunes."
Cette première journée régionale des CDS franciliens "se tient dans un contexte préoccupant, ajoute la médecin généraliste exerçant au centre de santé Richerand (Paris Xe), car "alors que s'ouvre la négociation en vue de la conclusion d'une nouvelle convention avec l'Assurance maladie, les centres de santé sont de plus en plus menacés de fermeture par un modèle économique fragile pour ne pas dire intenable…" Rappelant que les CDS ne cessent "de tirer la sonnette d'alarme", l'ouverture à de nouveaux gestionnaires privés lucratifs donne "l'illusion fausse et dangereuse qu'un modèle économique existe". Et aujourd'hui, regrette la généraliste, "la rentabilité n'existe pas sans dégradation de la qualité des soins : enchaînement de consultations courtes, multiplication d'examens complémentaires coûteux ou prescription de médicaments inutiles… Cette incitation au volume et à la sélection d'actes rémunérateurs coûte in fine plus cher au système solidaire. L'Assurance maladie doit financer la qualité et la pertinence des soins et non les actionnaires des structures privées lucratives."
Partenariats innovants, réponse aux besoins de santé, formation des professionnels, nouveaux métiers, coopérations avec les hôpitaux et les universités… "Nous sommes convaincus que l'avenir du système de santé passe par le renforcement de CDS ancrés sur les territoires, capables d'innover, de coopérer et de prendre soin, a insisté Jeanne Villeneuve. Les CDS sont déjà en première ligne, il est temps maintenant de leur donner la place qu'ils méritent dans les politiques régionales et nationales de santé."