Article paru dans la Gazette des Communes de juillet 2020, à la rubrique "Politiques publiques". Auteur : Judith Chetrit

"Plus de souplesse pour les choix des femmes", "un engagement citoyen et militant". Ce sont les mots employés par Antonio Oliveira, adjoint au maire, chargé de la santé de Malakoff (30 700 hab., Hauts-de-Seine), pour expliquer l’introduction d’un nouveau service d’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans l’un des deux centres municipaux de santé de la commune. "On craignait d’attirer des manifestations anti-avortement, mais la ville a toujours mené une politique de santé progressiste. Le centre a fêté ses 90 ans en 2019", indique-t-il.

Après l’IVG dite "médicamenteuse", proposée depuis plusieurs années dans cette municipalité, cette intervention sous anesthésie locale, qui consiste en l’aspiration du contenu de l’utérus, est habituellement pratiquée à l’hôpital. Alors qu’elle est autorisée jusqu’à douze semaines de grossesse contre sept pour la méthode médicamenteuse, cette option, intégralement prise en charge par la caisse d’assurance maladie, a recueilli l’intérêt de différents centres municipaux de santé.

Sous réserve d’une convention partenariale signée avec un hôpital en cas d’urgence, les professionnels y exerçant sont autorisés à en pratiquer depuis une modification légale de 2009 pour les IVG médicamenteuses et 2016 pour celles par aspiration. Cette activité illustre en partie l’augmentation de la prise en charge en ville, hors hospitalière, de l’activité orthogénique, alors que différentes enquêtes ont révélé la fermeture d’une bonne centaine de centres spécialisés dans l’IVG au cours des quinze dernières années.

Dans les communes où un tel choix a été délibéré et voté en conseil municipal, la prise en charge est souvent faite en collaboration avec les centres de planification et d’éducation familiale (CPEF), financés par le département, qui assurent un premier accueil. Car les enquêtes qui se suivent ont toujours pour principale conclusion l’hétérogénéité des délais d’accès à l’avortement en fonction de l’adresse de la patiente, soit un écart de trois à onze jours selon les territoires qui ne sont pas vus comme des "zones blanches" mais "en tension", en fonction des vacances ou de l’âge des professionnels les pratiquant.

Étudier la faisabilité

A Romainville (27 600 hab., Seine-Saint-Denis), aucun médecin ne pratique d’avortement, sauf au centre de santé. "Les femmes peuvent se rendre dans un centre car il est plus proche de chez elles, car nous pratiquons le tiers-payant ou parce qu’elles connaissent peut-être déjà les médecins. Cela facilite la prise de rendez-vous et anonymise le motif de consultation puisque cela s’intègre dans nos motifs de consultations de médecine générale", explique Gilles Lazimi, médecin au centre municipal, où une journée est dédiée aux consultations et avortements par aspiration.

"Ce ne sont pas forcément des habitantes d’Aubervilliers qui viennent pour des IVG, et, durant la crise sanitaire, pas mal de réorientations ont eu lieu", observe Cléo Stérin, conseillère conjugale et familiale du centre, où plus de 80 IVG ont été pratiquées en 2019.

"Nous avons 36 centres municipaux de santé qui ont conventionné avec le Réseau entre la ville et l’hôpital pour l’orthogénie", informe Sophie Eyraud, médecin et coordinatrice de ce réseau mandaté par l’agence régionale de santé d’Ile-de-France, dont l’objectif est de faciliter l’accès à l’IVG et à la contraception en ville. Celui-ci aide à étudier la faisabilité en interne, notamment des IVG instrumentales, et forme les professionnels à l’accueil et à l’accompagnement des patientes. Pour les médecins, il existe aussi des journées de formation aux IVG médicamenteuses. Pour celles par aspiration, il faut savoir effectué une trentaine d’interventions dans le cadre d’un stage dans un établissement hospitalier.

Rendez-vous psychologique

Car dans un centre de santé, la pratique d’avortements exige une réflexion en amont sur l’orientation des patientes et l’équipement nécessaire, comme une salle dédiée pour les IVG par aspiration (plusieurs milliers d’euros pour un appareil), l’éventuel matériel de prise de sang, d’échographie ou des créneaux horaires spécifiques. Cela demande des professionnels formés, même pour le personnel accueillant ou les infirmiers ayant à répondre aux questions des patientes : "Nous sommes trois au sein du centre à pouvoir pratiquer des IVG", confie Dorothée Le Bec, généraliste à plein temps au centre d’Arcueil (21 500 hab., Val-de-Marne), qui devrait débuter des avortements par aspiration en septembre. "Certaines patientes peuvent vouloir choisir d’attendre un peu avant de se décider. C’est aussi une méthode devenue moins fréquente dans les hôpitaux. On propose également un rendez-vous avec une psychologue si elles en ont besoin, hormis pour les mineures pour lesquelles c’est obligatoire", poursuit-elle.

A condition d’avoir bien communiqué sur l’offre de soins existante au centre de santé, et de recruter les professionnels adéquats : aux Ulis (25 200 hab.), dans l’Essonne, la commune avait adopté une délibération prévoyant la pratique d’IVG médicamenteuses avant que le médecin chargé du dispositif ne change de collectivité.

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Vendredi 3 juillet 2020
L'écho de la presse