Madame, Monsieur,

Le système de santé fait face à de profondes mutations, plus particulièrement dans sa forme ambulatoire qui intègre nos structures. La Fédération Nationale des Centres de Santé, FNCS, souhaite s’inscrire dans la modernisation nécessaire de ce système par sa contribution à la réflexion collective et aux changements à venir(1). Elle souhaite donc vous faire part de son analyse et de ses propositions

La volonté de réduire les inégalités sociales et territoriales de santé et de donner une place plus importante au système ambulatoire de distribution des soins est largement partagée, depuis déjà de nombreuses années, au sein de la société française. Cette intention, que nous soutenons, a trouvé sa formulation dans différentes dispositions législatives intervenues depuis une dizaine d’années. Force est de constater que leur efficacité n’a été que modeste et que l’essentiel des problèmes demeure. L’inégale répartition géographique des professionnels de santé s’accroit régulièrement, bien au delà des territoires ruraux. Les dépassements d’honoraires n’ont pas été maitrisés, et le reste à charge des dépenses de santé pour les patients n’a pas diminué.

Une réforme organisationnelle du système de soins ambulatoire est indispensable.

Le modèle organisationnel d’exercice isolé, hérité du 19ème siècle, ou sa forme entrepreneuriale libérale actuelle, sont inadaptés à notre société du 21ème siècle.

La liberté totale d’installation des professionnels de santé, dont l’activité induit des dépenses largement socialisées, ne s’accompagne d’aucune contrepartie en matière de mission de service public. Elle a largement contribué à l’absence d’organisation du système de soins ambulatoires et à la désertification médicale qui progresse malgré les moyens financiers ou règlementaires mobilisés depuis de nombreuses années. Les sommes, principalement celles relevant d’avantages conventionnels, affectées aux praticiens qui ne respectent pas les tarifs opposables et entretiennent ainsi l’inaccessibilité sociale aux soins, pourraient être plus utilement utilisées en faveur des acteurs qui s’inscrivent dans un autre projet sanitaire et social, notamment les centres de santé.

Les professionnels, les patients et les politiques sont chaque jour plus nombreux à considérer que l'exercice regroupé et coordonné des professionnels de santé constitue la réponse pertinente au développement des pathologies chroniques et au vieillissement de la population.

A ce titre, le modèle des centres de santé est en capacité de résoudre les inégalités d'accès aux soins des populations, aussi bien sur le plan social que géographique.

Il répond en outre aux aspirations d’exercice des professionnels. L’attractivité de l’exercice salarié, en particulier pour les jeunes praticiens, mais aussi pour des professionnels aguerris, s’accroit régulièrement. Le nombre croissant de demandes d’emplois ou de formations de jeunes professionnels de santé dans nos centres en témoigne.

Pour ces raisons, de très nombreux opérateurs locaux (collectivités territoriales, mutuelles, associations, collectifs d’habitants ou autres entités impliquées dans la santé des populations) se tournent aujourd’hui vers le modèle des centres de santé.

Situation actuelle des centres de santé

  • Le financement des centres de santé s’améliore, sans devenir satisfaisant, depuis 2016, au travers du nouvel accord national signé en 2015, apportant une solution partielle au constat récurrent de la faiblesse de leurs ressources et de leur modèle économique défaillant.
  • Ils ont acquis, sur le plan conventionnel, une égalité de traitement avec le secteur libéral. Celui-ci apparaît malheureusement encore trop souvent comme seul horizon, quasi indépassable, en matière d'organisation des soins ambulatoires. En témoigne, en dépit des orientations nationales qui recommandent de favoriser sans exclusive tous les types de regroupements de professionnels, l'attitude de bon nombre d’ARS, de services de l’Etat et de collectivités locales, sous l’influence des URPS et des ordres départementaux, qui n’envisagent la promotion de l’exercice ambulatoire qu’au travers de l’activité libérale, y compris dans ses formes non coordonnées.
  • Dans cette situation contrastée, le nombre important de créations ou de projets de centres de santé, porté par des gestionnaires à but non lucratif, dont la typologie s’est élargie bien au-delà des organisations traditionnelles, confirme la pertinence et la modernité de ce type de structure.
  • Les centres de santé ont également su faire évoluer leurs pratiques et leurs organisations internes afin d’améliorer l’accès à une offre de soins de qualité. L’implication de nombreux centres dans des expérimentations visant une meilleure prise en charge des patients, ou dans des programmes de prévention ou d’éducation thérapeutique des patients, en apporte la preuve. Ils ont également su développer la recherche en soins primaires et la formation des futurs professionnels de leurs équipes.
  • Leur présence, très souvent dans des quartiers et territoires où la situation sociale des habitants est extrêmement précaire, ou lorsque l’offre de soins aux tarifs opposables est insuffisante, permet de préserver la santé des populations qui n’ont souvent plus d’autres possibilités de recours aux soins.

Il importe donc de permettre à l’ensemble de la population, aux décideurs locaux et aux professionnels, d’y accéder. L’implantation des centres de santé médicaux ou polyvalents est en effet très inégale selon les territoires, certains en étant dépourvus.

Garantir l’accès aux soins et à la prévention pour toute la population


Cinq mesures pour créer un réseau national de centres de santé médicaux ou polyvalents


Ceci suppose une politique volontariste se fixant comme objectif un maillage territorial cohérent en centres de santé et s’appuyant sur :

1 ►

La définition d’un Schéma Régional de l’Organisation Sanitaire ambulatoire opposable, démocratiquement élaboré, en matière de structures d’exercice regroupé et coordonné (centres de santé et maisons de santé pluriprofessionnelles). Ce schéma devra prendre en compte l’ensemble des structures de ce type et considérer leur accessibilité géographique et financière pour les populations concernées. Il constituera l’ossature d’un système national de santé ambulatoire efficient au sein duquel un Service Public Territorial de Santé Ambulatoire sera créé.

2 ►

La mise en œuvre d’un Plan national de développement des centres de santé, chargé de garantir un égal accès aux soins de premier recours sur tout le territoire national, et à toute la population, porté conjointement par le Ministère de la santé et l’UNCAM, en partenariat avec la FNCS et les principaux réseaux de gestionnaires de centres, ainsi qu’avec les organisations de professionnels des centres de santé.

La mise en œuvre de ce plan nécessitera :
L’aide des agences régionales de santé (ARS) aux candidats gestionnaires et aux porteurs actuels (tous statuts à but non lucratif confondus : municipaux, mutualistes, hospitaliers, associatifs, ou relevant de fondations). Elle prendra la forme d’aides à l’investissement ou à l’élaboration de projets. Le soutien aux initiatives des communes, ou autres collectivités territoriales, peu peuplées ou implantées en zones rurales, qui souhaitent créer des centres municipaux ou intercommunaux de tailles modestes répondant aux besoins spécifiques de leur population, sera garanti.
• Une politique d’encouragement des établissements de santé, publics ou à but non lucratif, à porter des centres de santé, en particulier dans les territoires déficitaires en offre de soins de ville.
• Le financement des investissements et des équipements des centres de santé. La mise en œuvre d’un plan national d’investissements dans ces structures, comme cela a été fait pour les hôpitaux, en sera un élément déterminant.
• La création d’un cadre juridique coopératif pour les centres de santé.
• A défaut ou en cas de défaillance de gestionnaires, qu’il s’agisse de création ou de maintien des centres de santé, l’Etat doit exercer les responsabilités que lui confère la Constitution, notamment en créant des centres de santé, soit par l’intermédiaire de ses établissements publics de santé, soit directement par les ARS dans le cadre d’un statut à définir.

D’autres mesures méritent d’être mises en œuvre pour garantir la pérennité et le développement des centres de santé :

3

Faire évoluer le mode de rémunération de leur activité. Celui-ci est inadapté à leurs missions de service public et aux besoins sanitaires des patients car encore trop lié au volume des actes réalisés. Il devra comporter davantage de rémunération forfaitaire, liée au nombre de patients pris en charge ainsi qu’aux caractéristiques sanitaires, sociales et démographiques de ceux-ci.

Permettre aux centres de santé de porter des expérimentations visant à modéliser d'autres formes de financements de la médecine de premier recours, ce que permettent le salariat de leurs équipes et leur implication en matière de santé publique.

4

Veiller à ce que la pratique du tiers payant généralisé, avec les régimes obligatoires et les organismes complémentaires, que les centres de santé pratiquent de façon massive depuis longtemps, ne laisse aucun coût à leur charge.

5

Prévoir des mesures sécurisant les carrières des praticiens des centres de santé, que ceux-ci relèvent du droit public ou privé. L’objectif est de permettre à ceux des praticiens qui souhaitent s’engager dans une carrière en centres de santé d’envisager un vrai parcours professionnel incluant l’assurance d’un déroulement de carrière, y compris en cas de changement de gestionnaire. Ceci suppose la création d’un statut de praticien territorial en centres de santé et une harmonisation entre les conventions collectives du secteur privé. Ces deux types de statuts pourraient également prévoir, selon des modalités à étudier, des passerelles avec les carrières hospitalières publiques ou privées.

L’existence de ces statuts, assortis d’une grille de rémunération, contribuerait par ailleurs à une détermination plus objective du coût des missions et des actions menées par les centres de santé et des allocations de ressources correspondantes.

La FNCS reste à votre disposition pour échanger sur ses propositions et je vous prie d’accepter, Madame, Monsieur, mes sincères salutations.

(1) L’action de la FNCS s’inscrit, depuis sa création, dans une volonté de promotion de l’accès aux soins pour tous, sans discrimination de quelque nature qu’elle soit. Elle soutiendra donc les propositions de politiques sociales allant en ce sens.