Rapport de la Cour des comptes

La France présente des résultats médiocres en matière de prévention des principales pathologies. Cette situation, qui nous place fréquemment dans une position défavorable au regard de pays comparables et qui s’accompagne de fortes inégalités sociales et territoriales, ne trouve pas son origine dans l’insuffisance de l’effort financier qui serait consacré à la prévention, mais dans d’autres raisons, plus profondes :

  • des hésitations politiques persistantes dans la lutte contre les facteurs de risques,
  • une organisation des soins primaires et un mode d’exercice professionnel et de rémunération peu favorables à une politique de prévention continue et efficace (on soigne des maladies, on n’accompagne pas une personne dans son parcours de vie et de soins),
  • la faiblesse de la culture de santé publique dans notre pays (avec des réticences à imposer des démarches perçues comme attentatoires à la liberté des personnes et à opérer des différenciations ou ciblages dans les politiques publiques).

Ces constats faits par la Cour des Comptes permettent de répondre aux questions évaluatives posées dans le cadre de cette évaluation de politique publique :

  • une efficience et une efficacité limitées des actions de prévention sur les trois grandes pathologies chroniques, par comparaison avec les résultats obtenus par les pays comparables, par exemple en termes de dépistages, de vaccination, de promotion de la santé ou de lutte contre les facteurs de risque associés à ces pathologies ;
  • une pertinence des actions de promotion de la santé qui n’est pas suffisamment fondée sur les preuves, malgré le développement récent d’actions évaluées comme probantes ou prometteuses ;
  • le maintien d’inégalités sociales et territoriales quant à l’accès à des dispositifs de prévention, qui ne sont pas suffisamment ciblés à partir des données épidémiologiques et de celles de l’assurance maladie ;
  • un impact finalement réduit sur la santé de la population, faute d’une implication suffisante des professionnels de santé et d’une doctrine forte sur les actes de prévention à réaliser tout au long de la vie, ainsi que d’une sous-utilisation des outils numériques.

Des évolutions récentes ont cependant vu le jour : l’action entreprise – mais aujourd’hui ralentie – en matière de tabac a porté ses fruits, la structuration et la formalisation de la politique de prévention ont progressé, des formes nouvelles d’exercice de la médecine favorables à la prévention commencent à apparaître et à se développer, même si c’est encore à la marge.

La crise de la covid 19 a révélé le rôle majeur joué par les grandes pathologies sur la mortalité des personnes présentant des comorbidités et mis en lumière l’importance d’agir sur les facteurs de risque. Elle est aussi susceptible de modifier assez profondément la situation actuelle en offrant la possibilité d’accélérer les changements nécessaires : les médecins ont mieux réalisé que les soins relevaient d’un exercice collectif, le principe d’"aller vers" le patient a cessé d’être un slogan pour se décliner en actions concrètes, y compris en matière de vaccination, l’assurance maladie s’est engagée et imposée comme acteur majeur dans la mise en œuvre des politiques de santé publique. À cet égard, sous l’angle de la prévention des grandes pathologies, la crise apparaît également comme une opportunité pour accélérer des évolutions indispensables de notre système de santé.

Extrait Rapport de la Cour des comptes, Conclusion générale, novembre 2021
LA POLITIQUE DE PRÉVENTION EN SANTÉ. Les enseignements tirés de l’analyse de trois grandes pathologies. Communication au comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale
Quand
Mercredi 8 décembre 2021